Aux origines du Taekwondo
Si les historiens coréens situent les origines de leurs arts martiaux en 2300 av. J.C., il existe de manière formelle des preuves de l’existence d’un art martial coréen au IVème siècle. Celles-ci ont été retrouvées sous forme de peintures dans des tombes de l’ancien royaume de Koguryo.
La période des trois royaumes commence en -57 avec le royaume de Silla, puis -37 avec le royaume de Koguryo, et -17 avec le royaume de Baekje. En 576, c’est dans le royaume de Silla qu’apparaîtront les guerriers Hwa Rang, élite de la noblesse du royaume. Ces jeunes hommes sont instruits autant au bouddhisme et aux arts qu’aux différentes techniques de combats. Ils apprennent le maniement des armes et le combat à mains nues. Les Hwa Rang permettront au royaume de Silla, aidé par ses alliés chinois, d’unifier la Corée durant la seconde moitié du VIIème siècle.
On suppose que ce sont les Hwa Rang qui ont créé le su bak, art martial utilisant essentiellement les pieds, et en ont codifié les techniques. Le su bak est à l’origine des arts martiaux coréens de percussion. À la même période, l’art martial yu sul, qui repose sur des techniques plus souples de saisies et de clés, fait son apparition. Il peut être considéré comme un des ancêtres des arts martiaux défensifs, visant à soumettre l’adversaire.
Le su bak continuera à être pratiqué en intégrant les techniques du yu sul, pendant la dynastie Koryo. Celle-ci a succédé au royaume de Silla en 935, et sera elle-même renversée en 1392, par la dynastie Yi (royaume de Joseon).
On parle alors de l’âge d’or de la Corée. Le taekyon, correspondant à la transcription coréenne (hangeul) du su bak, vient à le remplacer peu à peu. La période de calme qui s’installe annonce l’essor des arts et le déclin des arts martiaux. Ces derniers seront officiellement réservés aux militaires. Rassemblant les techniques de percussions, le taekyon survivra grâce à certains experts qui transmettront leur art dans la plus grande discrétion.
L’annexion de la Corée par le Japon, en 1910, marque une rupture dans la transmission des arts martiaux coréens. Ils seront en effet interdits par le Japon, qui s’efforcera d’en faire disparaître toute trace historique.
Après la libération de la Corée et l’unification des différentes écoles (kwan) d’arts martiaux coréens, le taekyon deviendra, enrichi de techniques de karate, le Taekwondo moderne que nous connaissons.
Le Taekwondo moderne
La libération de la Corée, suite à la défaite militaire du Japon, va permettre aux maîtres d’arts martiaux coréens d’enseigner à nouveau et d’ouvrir les différentes écoles (kwan). Enrichi de techniques issues du karate, le tang soo do, résurgence de ces arts martiaux coréens, y sera enseigné dès 1945.
C’est sous la double implication des militaires et des politiques que l’art martial coréen, le futur Taekwondo, va prendre son essor. Le tang soo do est enseigné dans l’armée sous l’influence du général Choi, et particulièrement aux commandos qui seront envoyés sur l’arrière des troupes nord-coréennes pendant la guerre de Corée.
Lors d’une démonstration en 1952, réalisée par une équipe d’experts militaires commandés par le général Choi, le président de la république, fortement impressionné, demande que le nom de taekyon remplace celui de tang soo do pour cet art martial pratiqué en Corée et par les forces coréennes.
En 1955, le général Choi proposera aux principales écoles (Chung do Kwan, Oh do Kwan, Song moo Kwan, Chang moo Kwan, Ji do Kwan et Moo do Kwan) d’adopter le nom de taesudo afin d’unifier les différents noms existants. Ce n’est qu’en 1965 que le nom de taekwondo sera définitivement adopté.
Le taekwondo va connaître un premier essor grâce à son efficacité en combat réel, et aux experts qui seront envoyés dès 1968 au Vietnam pour la formation des bérets verts U.S. et vietnamiens. Il servira ensuite à former les troupes d’élites et les gardes rapprochées dans le monde entier. Forte de cette reconnaissance en tant qu’art martial efficace et spectaculaire, la Corée va envoyer des milliers d’experts dans le monde entier pour faire connaître le taekwondo et ouvrir des clubs.
Des variantes du Taekwondo, toujours plus efficaces, seront enseignées aux militaires et aux policiers. Dans les clubs, la pratique du taekwondo comme sport de combat se développera, avec l’organisation de compétitions nationales et internationales sous l’égide de la World Taekwondo Fédération, née en 1973.
En 1984, le Taekwondo fera son entrée aux Jeux asiatiques. Il deviendra sport de démonstration aux Jeux Olympiques de 1988 et 1992, et enfin sport olympique aux J.O. de Sydney en 2000. La W.T.F. représente aujourd’hui plus de 200 fédérations sur les cinq continents.
Après le formidable développement du Taekwondo comme sport de combat, la W.T.F. a pris conscience, sous l’influence des grands maîtres coréens, du risque d’abaisser l’art martial en simple sport de combat. Elle s’efforce aujourd’hui de préserver le taekwondo dans toutes ses dimensions, en tant qu’art de combat et de défense, mais aussi en tant que discipline de développement physique et mental, et enfin en tant que richesse historique et culturelle de la nation coréenne.
Philosophie des arts martiaux coréens
Les arts martiaux coréens se sont enrichis au fil des siècles de différentes influences religieuses et philosophiques. Au-delà de leur caractère martial, ils sont devenus des arts de vivre.
Taoïsme
Fondé en 570 avant J.C. par Lao Tseu, il est introduit en Corée pendant la période des trois royaumes. Mais ce n’est qu’au XIIème siècle que les concepts du yin et du yang (eum et yang en coréen) sont importés en Corée.
Le Tao, ou la Voie, est l’organisation de l’univers dans l’espace et dans le temps en deux principes complémentaires : le yin et le yang. Chaque élément possède son élément complémentaire, et tout élément est en transformation perpétuelle, comme l’explique le Yi King, le Livre des Mutations. L’homme fait partie de cet ensemble. C’est en prenant conscience de son appartenance à ce tout et de cette interdépendance avec les éléments naturels qu’il peut progresser sur la Voie.
Les arts martiaux permettent au pratiquant de prendre conscience des possibilités de son corps, puis de son esprit. Quand les deux sont unifiés, il peut tendre vers la sagesse et la plénitude.
Confucianisme
Il est introduit en Corée au début de l’ère chrétienne. Le confucianisme organise la société au profit du bien commun et de l’intérêt national. L’individu doit prendre sa place dans cette hiérarchie et la respecter. Les lettrés se trouvent au sommet de cette pyramide, juste après les détenteurs du pouvoir. Ainsi, des académies vont être créées pour l’aristocratie, où le confucianisme sera inculqué, ainsi que les lettres, les arts, l’étude du corps et des arts curatifs, et enfin les arts martiaux.
La société coréenne est encore très marquée par le confucianisme. La hiérarchie et l’étiquette des arts martiaux en sont l’héritage direct, et rappellent que si chaque pratiquant a des droits, il a également des devoirs envers son maître, son école et ses partenaires.
Bouddhisme
Il sera à son apogée en Corée à la fin du VIème siècle. Le bouddhisme prône le détachement des biens matériels et l’abandon des émotions qui perturbent notre jugement et notre vie, afin de tendre vers le nirvana et devenir Bouddha. C’est une recherche de la voie, du do, de la sagesse présente dans les arts martiaux, que certains moines pratiquent encore. Les vertus de respect et de tolérance sont communes au bouddhisme et aux arts martiaux.
Façonné par ces différentes influences, le pratiquant d’arts martiaux, par la maîtrise de ses techniques et de ses capacités physiques, est amené à percevoir que ses actions s’inscrivent dans le moment présent. Au-delà de son épanouissement personnel, il fait partie d’un tout, d’un ensemble social et de l’ordre naturel de l’univers. Par la pratique de sa discipline, il participe à l’équilibre et l’harmonie de ce qui l’entoure.